lundi 23 octobre 2017

La Castapiagne Rouge (Verdon)

Libre ou artif ? Chacun fait son choix ... Mais dans tous les cas, ça penche !!! (et un lifting ne ferait pas de mal!)


Une superbe ligne historique et impressionnante ! 

Beau libre difficile et d'ambiance ou artif "facile" !  Enfin ...

Et puisque c'est à l'évidence historique et mythique, passons de suite à la polémique sur l'équipement-déséquipement-rééquipement (les goujons-plaquettes ajoutées en 2005 sont bien en place à ce jour), qui, à mon goût, est parfaitement révélatrice du marasme éthique de l'époque nourri par les représentations fantasmées des uns et des autres ... Et le moins que l'on puisse dire, c'est que sur le rocher, ça ne ressemble plus à rien !

Je m'explique.

Des faits d'abord.

A ce jour, les 4 premières longueurs originelles (6a+ ou 6b; 7c ou 7c+ ou A2 ; 7c ou 7c+ ou A2/A3; 7b ou 7c ou A3/A4 selon les topos) offrent un matériel en place hétéroclite (quelques coins, quelques pitons, quelques plombs, quelques spits de 8, quelques goujons) et incohérent (j'y viens ...).

L1 : se protège facilement et efficacement.  4 goujons sont plantés. 2 pitons trainent me semble-t-il... 
L2 : se protège très facilement et efficacement (et aucun risque de se faire mal !!! au pire, gros trou dans l'air assuré ). 4 ou 5 goujons sont plantés
L3: se protège facilement et efficacement (et aucun risque de se faire mal !!! au pire, gros trou dans l'air assuré ). 4 ou ou 5 goujons sont plantés
L4 : en libre, c'est dur, ça se protège très difficilement, le départ au-dessus du relais est pas si commode, le risque de chuter sur l'assureur évident. 3 spits de 8mm (d'origine?), 2 pitons, 2 goujons (dont un à côté d'un bon n°1 !!! et là où les difficultés sont terminées ...) et des plombs pour protéger les premiers pas de libre difficiles et le crux dans le bombé (avec certes un couplage de pitons pas très très loin)... 

Bref, en somme : Des goujons ajoutés là où les coinceurs suffisent très très raisonnablement et rien là  où le matos plus ou moins pourri d'artif (les cordelettes des plombs du bombé de L4!!!) laisse des passages expo et/ou un équipement fixe vétuste à l'intérêt libre comme artif bien limité. Qui croit sérieusement faire du A4 en tirant comme un con sur des plombs matés par d'autres !?

A mon sens, ce rééquipement des parties historiques de l'itinéraire (je ne parle donc pas des parties nouvelles et indépendantes) non seulement n'apporte rien pour le libre mais en plus a l'énorme défaut de noyer un débat qui pourrait par ailleurs être intéressant et même sans doute fondamental pour l'avenir de l'escalade. 

Je ne sais rien des intentions initiales de Graou mais je constate que l'état de la voie en octobre 2017 laisse bien plus à penser que les goujons sont là plus par convenance personnelle que pour réellement inviter à penser autrement un itinéraire historique. Tel qu'il a été réalisé, cet équipement partiel, mélange dans sa conception très maladroitement les notions de libre, d'artif, d'équipement à demeure, de protections amovibles et d'engagement/exposition.

Quelques suggestions personnelles d'actions "collectives" pour rendre aux pratiquants de libre et d'artif tout l'intérêt d'un parcours de cet itinéraire historique majeur qui se prête selon moi sans souci à une cohabitation en bonne intelligence des deux pratiques.

- on vire les merdes en place dans L1, L2 et L3 !!! Et on ne plante plus de pitons (même si ça fait quand même parfois de bons bis les trous de pitonnages-dépitonnages ... ) : tout passe sur coinceurs en libre comme en artif ! Peut être néanmoins un piton à remplacer dans le crux (en libre) de L3 par un goujon ?

- on réfléchit sérieusement à L4, les possibilités de protection n'étant ni très bonnes ni très fréquentes, ni évidentes ... C'est techniquement subtil : un spit/goujon déplacé de quelques centimètres pouvant donner une tonalité radicalement différente à une très longue section ... Au rayon des trucs qui ne mangent pas de pain : on pourrait déjà virer le goujon qui fait doublon en haut du dièdre avec la possibilité d'une belle protection avec un n°1 (satisfaisant pour le libre comme pour l'artif). 

Il y a fatalement un choix à faire en début de longueur : soit on rend le libre "sûr" soit on (re)donne un caractère artif réellement délicat  (du vrai A3/4!) avec en conséquence au moins une section de libre un poilou "expo" au dessus du relais (on peut tomber salement sur l'assureur). Le fait que cet artif se ferait nécessairement (il me semble!) en pitonnant (délicat!) me ferait personnellement opter pour un goujon bien placé dans la section plutôt que d'appeler le pitonnage-dépitonnage.

Pour le reste, à mon goût, on remplace le "spit de renvoi" (le plus haut) du relais de R3 par un goujon placé un bon mètre plus haut... on remplace tous les spits de 8 par des goujons et au passage, on les place de manière optimale pour le libre et l'artif (c'est possible!). On vire le couplage de pitons sous le bombé (friend possible). Reste à voir ce qu'on foutrait des plombs du bombé et de leurs cordelettes pourries ... Je pense qu'il y a un truc à "sciencer" pour conserver des pas d'artifs intéressants (plus intéressant que de tirer aux cordelettes moisies des plombs en place, c'est sûr !) et du libre de caractère (mais pas expo) juste en déplaçant le spit du réta plus bas à droite vers les cordelettes ... 

- on rééquipe l'ensemble des relais qui en l'état sont inconfortables juste parce que les goujons sont pas placés de manière optimale !!! 

Enfin, bref, pas de quoi être rebuté pour autant. Ca demeure majeur comme super "école d'artif" ou comme gros challenge de libre aventureux. Quoi qu'il en soit, la Castapiagne Rouge mérite sans aucun doute une visite. Ne serait-ce que pour se faire sa propre idée ...














Les Barjots (Verdon)


Direction un mythe du Verdon ... Les commentaires et descriptions de L1 font frémir ... Des histoires de combats d'anthologie, de coincements de casques et de pied bloqué pendant une heure participent amplement à la gravité qui saisit le visage de tout prétendant à la vue de cette off-width redoutable. 

Le monstre est à la hauteur de sa réputation, et sa cotation, géniale. 6b. Allez, 6b+ dans les plus récentes éditions.  

La suite est sans commune mesure : si ça demeure réellement aventureux, ça grimpe désormais très agréablement dans une ambiance splendide sous cet énorme bombé (concrétionné ... un tour prochain dans tentative d'évasion ?) au piédestal farci de gouttes d'eau dans un dégradé parfait du gris au jaune-orangé ... Les grimpeurs pouvant se le permettre se délecteront de l'escalade libre incroyablement enthousiasmante et moderne de L4 (6c+, quelques pitons dans le crux et surtout des bonnes prises en dévers!) tandis que les autres ne seront pour autant pas déçus de profiter un peu plus longtemps, artif oblige, de l'ambiance splendide des lieux. 

Une légende du Verdon à visiter absolument !

Remarque : à mon goût, pour ne pas s'exposer, deux n°6 sont bienvenus pour a minima protéger le départ du crux (=quand on s'engage dans l'off-width au niveau du bombé) et la section off-width à proprement parler. On peut en poser un en bas et le récupérer une fois le bombé protégé sérieusement. 


Luna Bong (Verdon)


On attaque la semaine "Verdon" de la formation DE escalade en milieux naturels du CREPS Rhône Alpes, descendante de la quasi-mythologique UF2 d'antan, par une classique du quartier en mode "black bean" (=on n'utilise pas les points en place sauf exception). Une entrée en matière de choix pour selon les besoins, se remettre dans le bain "coinceurs", réétalonner son système de cotation (...) et évidemment travailler la pose efficace et stratégique de protections amovibles ...

Toujours une aussi belle ligne, toujours ses fissures larges mal commodes et malheureusement toujours plus de patine ... Néanmoins, une belle journée au Verdon !




Le vent l'emportera (Presles)


Et hop, on file encore une fois à Presles ! Un coup d'oeil à la paroi rouge en sortant de la maison et 15 minutes plus tard, nous voilà au parking des Grottes. Direction le vent l'emportera, encore une création de Ludo Pin (featuring stagiaires DEJEPS escalade milieux naturels de Vallon 2014). On retrouve la marque de fabrique au premier coup d'oeil jeté au topo : deux 7b+ dont la seule lecture du "+" nous fait échapper une petite larmichette à la seule idée de se retrouver confronté à notre médiocrité et à notre impuissance et un 7a+ dont on est déjà certain qu'il nous attend au tournant en embuscade, prêt à nous savonner une vieille verticale de pied ou à nous envoyer dans une impasse ... Par contre, une fois sur le rocher, on cherche désespérément  et en vain l'immonde prise de résine rapportée au look ravageusement rétro, signature traditionnelle du maître. Et bien que nenni. Rien de tout ça. Il faudra composer avec le peu de relief que nous impose naturellement les sections délicates de L3, L4 et L5. Déstabilisant. Plus de repère, plus de valeur. Ce monde part vraiment en couille.

Encore une bien belle voie qui mérite amplement une visite !





mercredi 4 octobre 2017

Κάλυμνος ( Kalymnos )



Rocher exceptionnel, itinéraires délirants, paysages somptueux, météo d'une clémence remarquable, bouffe délicieuse (et excellente compagnie !!!). Ca n'est pas une surprise. Mais ne boudons pas notre plaisir, nous nous sommes vraiment régalés.

Pour la face sombre -et là encore, ça n'est pas un scoop-, je me permets comme d'autres avant moi, d'émettre un doute sur la durabilité et le caractère vertueux de la nature de la fréquentation engendrée par tout ce qui en fait une destination extrêmement attractive, listé plus haut ... 

Pour ce qui relève des dommages et considérations somme toute bien futiles : des secteurs entiers sont sur patinés et dégueulassés de magnésie et de gras par les gugus qui mettent 1000 runs (en ramant!) dans leur projet (probablement surcoté) qui plus est sans brosser; des regroupements étonnants d'ultra-grégaires qui n'ont pas peur de squatter à 25 un secteur de 10 voies; des gonzes pour qui l'expérience vécue n'a de valeur que si elle est validée par l'image et/ou leurs commentaires dithyrambiques publiquement exprimés à grand renfort de superlatifs (Waouh, that's such a great line ! It's amazing. I'm so glad I've climbed that pure king line . Wouhou. It deserves so much its music note. This is exactly harmony. Waouh... TA GUEULE !) , des tickets de magnésie quasiment systématisés au point qu'on arrive à un tel niveau d'absurdité que j'ai constaté dans le crux d'une voie que les seules prises qui n'étaient pas "tickées" étaient celles à utiliser dans la méthode qui m'a parue vraiment optimale (serait-ce de l'humour british? belge !?)...

On notera avec étonnement que les familles accueillies au centre d'accueil des réfugiés sur le port de Pothia ne semblent pas outre-mesure affectées ni par la patine ni par les traits de cake. 

Bien plus sérieusement (que la patine; pas les réfugiés!) se pose  la question du développement touristique et notamment des infrastructures d'hébergement qui ne tarderont pas à poser de réels problèmes en termes d'urbanisme, de gestion des eaux (si ce n'est déjà le cas) et des déchets  ... 

Enfin, a minima "dérangeant" (on peut considérer ça comme fondamental en fait et relevant de la même chose que les questions environnementales -et donc sociales-): le sentiment d'une pratique sportive et touristique un peu "hors sol" au fond. C'est pas affreux (y'a mille fois pire ailleurs, je sais!) mais quand même. On pourrait déjà symboliquement commencer par tou.te.s faire l'effort (en fait, avoir la curiosité?) de dire au moins bonjour, s'il vous plait, merci et au revoir en Grec, bordel !?). D'ailleurs, un tout petit lexique anglais-grec dans le par ailleurs très joli et très bien fait topo serait là encore symboliquement pas inintéressant à mon goût.

Bref, on n'est pas les seuls à avoir eu l'idée d'aller grimper à Kalymnos ces 15 dernières années et force est de constater qu'un petit voyage de la sorte est une nouvelle occasion de penser et "agir" le tourisme comme vecteur et partie d'un cosmopolitisme au sens originel du terme, déjà pensé par des mecs du quartier y'a une grosse paire de millénaires...

Tenant en cette formule la parfaite caution morale et intellectuelle qu'il me fallait pour pouvoir envisager de retourner un jour sur ce si beau bout de caillou l'esprit et la conscience tranquilles, j'en termine de ce clic avec cet article.


Quelques conseils/remarques néanmoins en bonus :

- y'a effectivement plein de voies dans le 5 et le 6 et plein de dalles... Oui. Souvent très belles. Mais rarement exceptionnelles (contrairement aux dévers!!!) et très souvent au calcaire extrêmement sculpté (cool) et/mais très agressif (il faut en tenir compte) ... En résumé, tout le monde s'y fera plaisir sans aucun doute mais en matière de voies abordables, on a objectivement fait mieux (mais je dirai pas où !!!). 

- c'est exceptionnel dans les dévers à partir du 6c/7a et déjà super dans le 6b/c. 

- les petits secteurs éloignés (comprenez plus de 30 minutes de marche ...) sont peu fréquentés et on y retrouve souvent une qualité de caillou comparable aux plus beaux sites classiques de l'Hexagone. C'est pas aussi spectaculaire, c'est pas aussi gigantesque, c'est pas aussi exotique que Grande Grotta mais c'est très très bien. Et on y est peinard.

- les cotations sont globalement très complaisantes. Mais l'ego s'y fait vite :). Il y a néanmoins des exceptions dans certains secteurs et certaines voies.

- le style se prête merveilleusement au "à vue". Et vu qu'il y a des dizaines de voies majeures, ça vaut vraiment le coup ! 

- les appréciations notées des voies indiquées dans le topo sont à considérer dans le contexte du secteur ... 3 étoiles à Grande Grotta, Panorama ou Sikati, c'est ultra majeur. "Note de musique" (la note d'appréciation ultime du topoguide)  dans un secteur plus confidentiel,  qui plus est si c'est un secteur abordable, c'est "juste" une très belle voie... Dans ce même secteur confidentiel, on n'aura pas intérêt à se ruer de suite sur les "2 étoiles" ...

-les commentaires des voies indiqués dans le topo sont eux aussi à considérer dans leur contexte. Contrairement à leurs signification en anglais, en Kalymnish crimpy signifie que le no foot juste après avoir trempé ses mains dans de l'huile d'olive locale n'est plus envisageable, technical veut dire qu'il vaut mieux enfiler de bonnes baskets d'approche plutôt que vos tongs (very technical vous demandera de lacer les dites chaussures d'approche) et an outstanding thin slab with amazingly balance moves on tiny footholds doit vous mettre la puce à l'oreille : il est possible que grimper avec un chausson gauche au pied droit et inversement vous déstabilise. J'exagère un peu.